Sabine Dewulf a écrit sur sa page Facebook « Le Miroir d’or » cet bel article sur Hublots –Portholes (Editions L’Oeil ébloui) de John Taylor, peintures de Caroline François-Rubino, traduction de Françoise Daviet-Taylor:
Aujourd’hui, je vous présente un très beau recueil, par le poème qui y trace ses lignes marines, par la peinture de ses cercles bleutés et par une mise en page qui laisse les feuillets aussi libres que ceux d’un livre d’artiste : « Hublots (Portholes) », édition bilingue, traduction de Françoise Daviet, paru en 2016 aux éditions de L’oeil ébloui. Le nom de l’éditeur est étonnamment bien accordé au titre de ce livre : le hublot n’est-il pas, ici, un œil ébloui par le mystère des choses entrevues ?
Le poète John Taylor et la peintre Caroline François-Rubino ont travaillé de concert pour nous offrir cette œuvre particulièrement unifiée, où les hublots permettent à la fois de voir, d’imaginer et de se souvenir… Au-delà de ce cadre circulaire bien défini, qui permet de faire défiler les paysages divers d’une mer traversée, le hublot se propose à notre lecture comme la métaphore d’une conscience humaine tour à tour rêveuse, nostalgique et métaphysique. Il est ici question du sens de ce qui est perçu, de ce qui émerge de la masse informe du chaos pour entrer dans la lumière ou, à l’inverse, de ce qui retourne à l’obscurité silencieuse. Dans le même temps, nous pouvons y lire une image de nos traversées existentielles, entre bourrasques, tempêtes et accalmies, avec cet arrière-plan du regard étonné, prêt à s’émerveiller face à ce qui surgit ou s’éteint, dans le mouvement quasi respiratoire de la marée, de la montée-descente du navire.
Plus que le paysage changeant, c’est bien le hublot qui donne sa permanence à la traversée. Le bleu peut s’effacer, le contour circulaire s’estomper, il reste toujours l’ébauche d’un cercle conscient autour de quelques lignes dansantes, qu’elles soient d’encre ou de peinture… L’observateur avec lequel nous sommes ici invités à coïncider constitue l’invariable arrière-plan des accidents du paysage. Il devient ce silence ou cette nuit toujours renaissants qui, à leur tour, deviennent ce cercle unique, cet œil persistant, indéfiniment conscient, y compris de l’extinction du jour : « tu savais / qu’une nouvelle nuit / encerclerait / le jour pointant // de moins en moins lumineux… »
Nous frôlons alors l’énigme même d’exister dans sa beauté suprême : un effacement qui s’ouvre grand au monde, l’éternité d’une conscience secrète qui infiniment dépasse nos yeux de chair. Ce livre splendide de brume et de mer nous aide ainsi à relire le monde mouvant des choses comme la trace éphémère de notre permanence, notre veille sans fin : « le hublot / est la dernière forme qui reste »…
© Sabine Dewulf
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