Claude Vercey a écrit un bel article sur Le dernier cerisier (Voix d’encre) dans la revue Décharge. De ce livre, traduit de l’anglais par Françoise Daviet-Taylor, avec les aquarelles de Caroline François-Rubino, Claude Vercey écrit:
« S’il est fréquent, voire banal, que dialoguent en une même publication un peintre et un poète, il est plus rare que les deux contributions s’accordent autant qu’on le souhaiterait, se soutiennent mutuellement pour faire œuvre commune. C’est en premier lieu cet accord entre les aquarelles de Caroline François-Robino, où des arbres fantomatiques surgissent d’un léger voile bleu, et les poèmes de John Taylor, qui donne son prix au Dernier cerisier, que proposent dans une réalisation technique toujours impeccable les éditions Voix d’Encre.
Fait de lecture, qui a son importance (on dira que le lecteur n’est pas sans naïveté), j’ai d’abord cru que ces poèmes avaient été écrits directement en français. La chose n’était pas tout à fait impossible, John Taylor est installé en France près de cinquante ans, parle couramment notre langue (oui, je l’ai entendu il y a moins de dix ans, invité qu’il était par le Festival Temps de Paroles à Dijon ), est un traducteur réputé de nombreux poètes français ( de Philippe Jacottet à Louis Calaferte ou Georges Perros). Mais c’est dire aussi l’excellence de la traduction de Françoise Daviet-Taylor. (On trouve la version originale américaine dans la deuxième partie de l’ouvrage).
L’écriture de John Taylor a la touche légère de l’aquarelliste : à quel monde appartient cette silhouette de cerisier : au souvenir ou à l’imaginaire ? A-t-il pris forme / à l’intérieur de toi ? Et dans le poème suivant : peut-être l’as-tu entr’aperçu par dessus les clôtures ? On peut lire ce livre comme un questionnement de la mémoire, sur la fiabilité de celle-ci. Mais peut-être aussi comme une interrogation sur la situation du poète par rapport au monde, à son souci d’en porter témoignage : or, le plus souvent, les évènements se déroulent hors de portée du témoin, le cerisier évoqué est à l’image de ces incertitudes : il a vécu sans que tu l’aies remarqué comme
tant d’autres choses
qui avaient eu lieu
qui ont lieu
sans toi
dans tout ce qui surgit
chaque jour
les lignes les courbes les anglesun cerisier soudain dans un champ
ou est-ce un jardin
ou derrière une maisonson tronc et ses branches sont gracieux
une femme en kimono
qui se penche et laisse au sol
quelque chose pour toiou est-ce ma mère
parmi les feuilles
là sous les branchescette douce image
une offrance que tu dois recueillirt’attire loin des lignes
des courbes
des angles
Deux autres séries de poèmes complètent le livre du Dernier cerisier : les Rêveriesd’A jamais, et les brumes crépusculaires de Mais il ne faisait pas encore nuit, où les arbres persistent / plus proches de toi / que tu ne l’avais pensé, assurant la cohérence de l’ensemble.
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