Pierre Kobel a fait cette belle présentation du Dernier cerisier (Éditions Voix d’encre) sur son blog La pierre et le sel:
se dressant au milieu des cultures
ou sur une pelouse abandonnée
derrière une maison
ou est-ce sur un terrain de jeu
le cerisier est toujours là
depuis longtemps tu te trouves loin
du premier de l’unique centre
pourquoi
cet arbre-ci
ses branches
alourdies de fruits
a-t-il pris forme
à l’intérieur de toi
pendant les travaux et les jours
non pas les ormes abattus de ta rue ombragée
mais le cerisier même où tu n’es jamais grimpé
de petites promesses rouges
derrière une maison plus loin
dans la brume chatoyante du printemps
ou était-ce en hiver
la silhouette dénudée
les branches nues
elles aussi étaient nécessaires
pour que tu deviennes
quelqu’un d’autre
Nous sommes nombreux à avoir en nous des lieux, des paysages, des arbres. Toutes choses fugaces, d’un temps inachevé dont nous ne gardons qu’une image devenue imprécise. Par ce recueil, c’est ce qu’évoque John Taylor dans une mise en regard avec les aquarelles de Caroline François-Rubino. Chacune des œuvres, picturale et poétique, se fait le complément de l’autre. Chaque texte conduit à la peinture et réciproquement.
Longue déambulation inspirée. Le traducteur qu’est John Taylor ne manque pas de faire penser aux écritures de Philippe Jaccottet, de Jacques Dupin, de Pierre-Albert Jourdan. Ou de Thierry Metz. Sans pour autant jamais y faire allégeance.
Écriture sans éclats, mais de profondes résonances. Qui touche à un infini au-delà des imprévus du souffle.
là où le crépuscule bleuit
sur la vallée
là où un moment
paraît toujours changeant
puis immobile
parfois
les arbres les buissons
les haies les taches d’obscurité
tout est flou
dans ce qui reste de lumière
rappellent
la lumière plus brillante
manquante
In Le dernier cerisier, © Voix d’encre, 2019
—John Taylor, traduction de Françoise Daviet-Taylor, aquarelles de Caroline François-Rubino
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